« J’ai intensément partagé le travail cinématographique avec certains, jusqu’à une amitié toujours vive. Filmer aujourd’hui ce lien sentimental est un plaisir sans nostalgie. Nos vies croisées nous permettent cette simplicité rapide de ceux qui ne se racontent pas d’histoires, qui savent être devant ou derrière la caméra, dans un ensemble de dons et d’abandon au film. » Alain Cavalier
SUR L’AMITIÉ PAR ALAIN CAVALIER
J’ai toute la journée ma caméra à portée de main. Depuis trente ans, je filme ce que la vie me propose : un succession de bonheurs et de malheurs qui fabriquent des récits drôles et émouvants.
J’aime voir mes amis chez eux. Surtout ceux avec qui j’ai partagé le travail en équipe de tournage avant de filmer seul. Ils ont confiance en moi.
Ils m’accueillent avec cette simplicité rapide de ceux qui racontent des histoires aux spectateurs mais pas à eux-mêmes. Ils savent se tenir devant ou derrière la caméra, dans un ensemble de dons et d’abandon devant mon œil amical, devant ma caméra plutôt sentimentale.
Il faut des mois, des années, pour que ces moments de vie, filmés surtout pour en garder une trace, se transforment en certitude qu’un partage est possible avec le spectateur. Il y a dans le pris sur le vif, dans la vie immédiate un charme, une odeur de vrai qui tient très bien le coup face aux films de scénarios et d’acteurs que j’ai tournés avant que me soit proposée par les ingénieurs japonais la camera qu’on tient dans la main.
Nous, filmeurs, cinéastes, metteurs en scène, sommes des primitifs.
Mon grand-père est né la même année que Louis Lumière, l’inventeur de la salle de cinéma. Nous bricolons avec notre outil tout neuf, la caméra. On n’a pas de grammaire ou de notes de musique. On cherche. Certains font confiance à leur imagination pour construire des fictions. D’autres préfèrent rôder avec leur caméra à la recherche de ce qu’ils pensent être des merveilles. Je crois que vous, spectateurs, vous aimez bien passer de l’un à l’autre, et je m’en réjouis car le monde est vaste.
J’ajoute pour terminer que les personnes filmées que je vous propose dans L’amitié sont quelque fois plus fines que moi. Ils profitent de ma caméra pour m’offrir quand ils veulent des choses personnelles, secrètes, bien filmables que j’enregistre sans les voir. Après seulement, je comprends l’importance et la subtilité du cadeau.
Ils font le film avec moi et je les remercie du fond du cœur.
Alain CAVALIER