El Bola

| Espagne | 1h28 | 2003 | VOST

Réalisation : Achero Mañas

Distribution : Juan José Ballesta, Pablo Galan, Alberto Jiménez

Version restaurée 2024

Pablo est un jeune collégien de 12 ans, calme et apparemment sans histoires et attaché à son talisman, une bille d’acier. Mais quels terribles secrets le poussent à éviter la compagnie de ses camarades de classe sauf pour partager avec eux des jeux dangereux ? L’arrivée d’un nouvel élève va bousculer son quotidien sombre. Va-t-il, grâce à lui, échapper aux lourds fardeaux qui pèsent sur ses jeunes épaules ?

El Bola est le premier long métrage du réalisateur Achero Mañas, déjà remarqué pour ses courts dont Chasseurs, Goya 1998 (équivalents espagnols de nos César). À travers les péripéties d’un jeune adolescent, l’auteur aborde sans artifice un thème difficile : l’enfance maltraitée.

Pablo, douze ans ans, c’est "la boule", car il tripote tout le temps son porte-bonheur, un petit calot de métal. Issu d’un milieu prolétaire, fermé et traditionnel, Pablo n’a rien des autres garçons de son âge. Il a le regard dur, celui des enfants qui ont grandi trop vite. L’arrivée dans sa classe d’Alfredo, un nouvel élève, va changer sa vie. Chez cet ami, Pablo découvre une famille ouverte, dans laquelle l’amour et l’écoute prédominent. Il va alors trouver la force d’affronter sa condition et de révéler son terrible secret : l’horreur des mauvais traitements infligés par son père.

D’un sujet qu’il connaît bien, la violence perpétrée sur les enfants, Achero Mañas tire un film poignant et profondément humain. Le cinéaste utilise la caméra comme un simple témoin oculaire qui ne fait que suivre les événements dramatiques, de manière naturelle, au prix parfois, de mouvements brusques, étranges et maladroits. Un réalisme proche du documentaire qui donne au film un ton juste et authentique. Intelligemment, Mañas évite le piège du voyeurisme en suggérant le plus possible la violence de certaines scènes (comme la vision d’un sidaïque en phase terminale ou les coups portés sur Pablo par son géniteur). La mort est omniprésente, tant dans les propos des deux ados que dans le danger de leur jeu (récupérer un objet sur les rails au passage d’un train). Chacun la regarde différemment. Alfredo pense être immortel tandis que Pablo, lui, la sent chaque jour plus proche.

Le constat de l’auteur est sans appel : nous sommes impuissants face à la violence parentale. Pourtant, les victimes sont facilement repérables. Pablo en porte tous les stigmates. Isolé, marginalisé, craintif. Quand il sourit, le prometteur Juan José Ballesta (Goya de la révélation de l’année 2001) donne envie de pleurer, et quand il pleure, on veut mourir. À travers la famille d’Alfredo, Mañas cherche à interpeller le spectateur en posant une question simple : comment devons-nous réagir face à la violence systématique de certains parents sur leurs progénitures ? "De quoi meurt cet enfant ? Dût la réponse troubler, il meurt aussi de nos silences", écrit André Glucksmann. Le mérite de Mañas est sans conteste de briser l’omerta.
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